
Près de 5,4 millions de Guinéens sont appelés à choisir leur président dimanche dans un climat de tension et d’inquiétude. Depuis un an, la Guinée est secouée par des marches de contestation et des divisions meurtrières autour d’un éventuel troisième mandat d’Alpha Condé.
Élu en 2010 et réélu en 2015, le président sortant Alpha Condé est candidat pour un troisième mandat après l’adoption controversée d’une nouvelle Constitution. Face à lui, son principal opposant Cellou Dalein Diallo et 10 autres candidats.
Cette élection est anxieusement scruté par les défenseurs de la démocratie car le premier tour de la présidentielle guinéenne se tient dans un climat de tension et d’inquiétude à cause de la candidature contestée depuis ces derniers mois. A la veille du scrutin, certains membres de la Commission nationale électorale indépendante (Céni) issus de l’opposition ont décidé de sortir de leur réserve pour dénoncer des manquements dans le processus électoral.
« Un colonel de l’armée tué et des attaques personnelles »
À 48 heures du premier tour des élections, le colonel Mamady Condé a été dans son camp militaire Samoreya-Kindia par des mutins. Les jours précédant l’attaque de ce camp militaire ont été émaillés d’attaques personnelles, d’incidents et d’obstructions, et de heurts qui ont fait plusieurs blessés entre militants des deux principaux concurrents, M. Condé et Cellou Dalein Diallo.
Le rôle important des appartenances ethniques dans la politique intérieure ajoute à la volatilité de la situation. C’est autant de raisons que de nombreux Guinéens envisagent avec préoccupation le vote de dimanche et plus encore ses lendemains, si les résultats sont serrés ou si l’opération donne lieu à des soupçons de fraude, grande préoccupation de l’opposition.
Modification de la constitution
Le président sortant Alpha Condé a fait modifier la Constitution en mars pour, explique-t-il, moderniser le pays. Elle lui permet de briguer un troisième mandat parce que les pendules présidentielles seraient remises à zéro. Opposés à sa candidature, des milliers de Guinéens ont manifesté dans les rues du pays à plusieurs reprises pour exiger son retrait de la course. Les protestations ont été sévèrement réprimées par les forces de l’ordre. Des dizaines de civils ont été tués.
Violations des droits de l’homme
Les défenseurs des droits humains dénoncent un recours excessif à la force et l’impunité des forces de sécurité de cette ancienne colonie francaise. Ils ne cessent de pointer du doigt depuis ces dernières années, d’après eux, « la dérive observée sous la direction d’un ancien opposant historique devenu en 2010 le premier président démocratiquement élu après des années de régimes autoritaires ».
Dans son rapport publié le 25 septembre 2020, Human Rights Watch a révélé que lors des élections législatives et du référendum constitutionnel de mars 2020, les forces de sécurité guinéennes n’ont pas protégé la population des violences électorales et intercommunautaires dans lesquelles au moins 32 personnes ont été tuées et plus de 90 blessés alors qu’ils commettaient eux-mêmes des violations des droits de l’homme à Nzérékoré. Toujours selon l’organisation des droits de l’homme, les forces de sécurité n’ont pas pris de mesures suffisantes pour empêcher ces meurtres, ni la destruction massive de biens. Ils ont également tué deux personnes eux-mêmes, battu et arrêté arbitrairement des dizaines d’hommes.
Entre le mois de mars et septembre, Human Rights Watch a interrogé 48 victimes et témoins des violences à Nzérékoré, ainsi que 31 proches des victimes, du personnel médical, des journalistes, des avocats, des membres des partis d’opposition, des représentants de la société civile et d’autres informateurs. Ils ont également consulté des rapports publiés par des organisations guinéennes de défense des droits de l’homme et des médias nationaux et internationaux, et examiné des photos, des vidéos et des dossiers médicaux.
Pour sa part, M. Condé fustige les partis pris de ses détracteurs, guinéens ou étrangers. Il impute à ses adversaires la responsabilité des violences. Il revendique d’avoir redressé un pays qu’il avait trouvé en ruines, à coups de grands chantiers et de réformes destinées à vaincre la réticence des investisseurs à s’engager dans un environnement d’infrastructures défaillantes et de corruption répandue.
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